<14>Je n'ai d'intérêt, dans tout ce que je dis, que le bien public et le vôtre. Je suis bientôt dans ma soixante et cinquième année; je suis né infirme; je n'ai qu'un moment à vivre; j'ai été bien malheureux, vous le savez; mais je mourrais heureux, si je vous laissais sur la terre, mettant en pratique ce que vous avez si souvent écrit.
338. A VOLTAIRE.a
(Buttstedt) 9 octobre 1757.
Je suis homme, il suffit, et, né pour la souffrance,
Aux rigueurs du destin j'oppose ma constance.
Mais, avec ces sentiments, je suis bien loin de condamner Caton et Othon. Le dernier n'a eu de beau moment en sa vie que celui de sa mort.
Croyez que si j'étais Voltaire,
Et particulier comme lui,
Me contentant du nécessaire,
Je verrais voltiger la fortune légère,
Et m'en moquerais aujourd'hui.
Je connais l'ennui des honneurs,
Le fardeau des devoirs, le jargon des flatteurs,
Ces misères de toute espèce,
Et ces détails de petitesse,
Dont il faut s'occuper dans le sein des grandeurs.
Je méprise la vaine gloire,
Quoique poëte et souverain.
Quand du ciseau fatal en tranchant mon destin,
Atropos m'aura vu plongé dans la nuit noire,
Qu'importe l'honneur incertain
De vivre, après ma mort, au temple de Mémoire?
Un instant de bonheur vaut mille ans dans l'histoire.
Nos destins sont-ils donc si beaux?
Le doux plaisir et la mollesse,
La vive et naïve allégresse,
a Cette lettre est tirée de l'édition de Bâle, t. II, p. 257 et 258.