« <149>Qu'y a-t-il de plus beau et de plus admirable que de tirer, d'un principe même qui peut mener au vice, la source du bien et de la félicité publique? »a
On dit que vous faites aussi aux Velches l'honneur d'écrire en vers dans leur langue; je voudrais bien en voir quelques-uns. Expliquez-moi comment vous êtes parvenu à être poëte, philosophe, orateur, historien et musicien. On dit qu'il y a dans votre pays un génie qui apparaît les jeudis à Berlin, et que, dès qu'il est entré dans une certaine salle, on entend une symphonie excellente, dont il a composé les plus beaux airs. Le reste de la semaine, il se retire dans un château bâti par un nécromant; de là il envoie des influences sur la terre. Je crois l'avoir aperçu il y a vingt ans; il me semble qu'il avait des ailes, car il passait en un clin d'œil d'un empire à un autre. Je crois même qu'il me fit tomber par terre d'un coup d'aile.
Si vous le voyez ou sur un laurier, ou sur des roses, car c'est là qu'il habite, mettez-moi à ses pieds, supposé qu'il en ait, car il ne doit pas être fait comme les hommes. Dites-lui que je ne suis pas rancunier avec les génies. Assurez-le que mon plus grand regret, à ma mort, sera de n'avoir pas vécu à l'ombre de ses ailes, et que j'ose chérir son universalité avec l'admiration la plus respectueuse.
413. A VOLTAIRE.
Potsdam, 17 février 1770.
Le pauvre Lorrain, dont vous vous souvenez, trouve une grande différence des copies qu'il fait à présent de celles qu'il faisait autrefois. A présent, il écrit pour le temps; il y a dix-huit ans, c'était pour l'immortalité. Il n'en est pas moins flatté de l'approbation que vous donnez à son ouvrage, qui roule sur des idées dont on trouve le germe dans l'Esprit d'Helvétius et dans les Essais de
a Voyez t. IX, p. 104.