<162>Ce sont des vœux auxquels tous les hommes de lettres doivent se joindre; ils doivent vous considérer comme une colonne qui soutient seule par sa force un bâtiment prêt à s'écrouler, et dont des barbares sapent déjà les fondements. Un essaim de géomètres mirmidons persécute déjà les belles-lettres, en leur prescrivant des lois pour les dégrader. Que n'arrivera-t-il pas lorsqu'elles manqueront de leur unique appui, et lorsque de froids imitateurs de votre beau génie s'efforceront en vain de vous remplacer! Dieu me garde de n'avoir pour amusement que de courtes et arides solutions de problèmes plus ennuyeux encore qu'inutiles! Mais ne prévenons point un avenir aussi fâcheux, et contentons-nous de jouir de ce que nous possédons.
O compagnes d'une déesse!
Vous que par des soins assidus
Voltaire sut en sa jeunesse
Débaucher des pas de Vénus,
Grâces, veillez sur ses années;
Vous lui devez tous vos secours;
Apollon pour jamais unit vos destinées,
Obtenez d'Alecto d'en prolonger le cours.
421. DE VOLTAIRE.
(Ferney) 27 juillet 1770.
Sire, vous et le roi de la Chine vous êtes à présent les deux seuls souverains qui soient philosophes et poëtes. Je venais de lire un extrait de deux poëmes de l'empereur Kien-Long,a lorsque j'ai reçu la prose et les vers de Frédéric le Grand. Je vais d'abord à votre prose, dont le sujet intéresse tous les hommes, aussi bien que vous autres maîtres du monde. Vous voilà comme Marc-Aurèle, qui combattait par ses Réflexions morales le système de Lucrèce.
a Éloge de la ville de Moukden. Voyez t. XIII, p. 43.