<164>Théodoric, les Clovis, et leurs premiers successeurs, ont manœuvré avec les papes. Partageons les dépouilles; prends les dîmes, et laisse-moi le reste; bénis ma conquête, je protégerai ton usurpation; remplissons nos bourses; dis de la part de Dieu qu'il faut m'obéir, et je te baiserai les pieds. Ce traité a été signé du sang des peuples par les conquérants et par les prêtres. Cela s'appelle les deux puissances.
Ensuite les deux puissances se sont brouillées, et vous savez ce qu'il en a coûté à votre Allemagne et à l'Italie. Tout a changé enfin de nos jours. Au diable s'il y a deux puissances dans les États de V. M. et dans le vaste empire de Catherine II! Ainsi vous avez raison pour le temps présent; et le philosophe athée a raison pour le temps passé.
Quoi qu'il en soit, il faut que votre ouvrage soit public. Ne tenez pas votre chandelle sous le boisseau, comme dit l'autre.
Les peuples sont encor dans une nuit profonde;
Nos sages à tâtons sont prêts à s'égarer.
Mille rois comme vous ont désolé le monde;
C'est à vous seul de l'éclairer.
Ce que vous dites en vers de mon héroïne Catherine II est charmant, et mérite bien que je vous fasse une infidélité.
Je ne sais si c'est le prince héréditaire de Brunswic ou un autre prince de ce nom qui va se signaler pour elle; voilà un héroïsme de croisade.
J'avoue que je ne conçois pas comment l'Empereur ne saisit pas l'occasion pour s'emparer de la Bosnie et de la Servie; ce qui ne coûterait que la peine du voyage. On perd le moment de chasser le Turc de l'Europe; il ne reviendra peut-être plus; mais je me consolerai si, dans ce charivari, V. M. arrondit sa Prusse.
En attendant, vous écoutez les mouvements de votre cœur sensible; vous êtes homme quand vous n'êtes pas roi; vos vers à madame la princesse Amélie sont de l'âme à laquelle j'ai été attaché depuis trente ans, et à laquelle je le serai le dernier moment de ma vie, malgré le mal que m'a fait votre royauté, et dont je souffre encore le contre-coup sur la frontière de mon drôle de pays natal.