<168>Il y a plusieurs copies de votre admirable ouvrage : permettez qu'on l'imprime dans quelque recueil, ou à part; car sûrement il paraîtra, et sera imprimé incorrectement. Si V. M. daigne me donner ses ordres, l'hommage du Philosophe de Sans-Souci à la Divinité fera du bien aux hommes. Le roi des déistes confondra les athées et les fanatiques à la fois; rien ne peut faire un meilleur effet.
Daignez agréer le tendre respect du vieux solitaire V.
424. A VOLTAIRE.
Potsdam, 16 septembre 1770.
Je n'ai point été fâché que les sentiments que j'annonce au sujet de votre statue, dans une lettre écrite à M. d'Alembert, aient été divulgués. Ce sont des vérités dont j'ai toujours été intimement convaincu, et que Maupertuis ni personne n'ont effacées de mon esprit. Il était très-juste que vous jouissiez vivant de la reconnaissance publique, et que je me trouvasse avoir quelque part à cette démonstration de vos contemporains, en ayant eu tant au plaisir que leur ont fait vos ouvrages.
Les bagatelles que j'écris ne sont pas de ce genre; elles sont un amusement pour moi. Je m'instruis moi-même en pensant à des matières de philosophie, sur lesquelles je griffonne quelquefois trop hardiment mes pensées. Cet ouvrage sur le Système de la nature est trop hardi pour les lecteurs actuels auxquels il pourrait tomber entre les mains. Je ne veux scandaliser personne; je n'ai parlé qu'à moi-même en l'écrivant. Mais, dès qu'il s'agit de s'énoncer en public, ma maxime constante est de ménager la délicatesse des oreilles superstitieuses, de ne choquer personne, et d'attendre que le siècle soit assez éclairé pour qu'on puisse impunément penser tout haut.
Laissez donc, je vous prie, ces faibles ouvrages dans l'obscurité où l'auteur les a condamnés; donnez au public, en leur place,