<170>l'avons bien étudiée, nous sommes obligés de dire comme Montaigne : Que sais-je?
Ce que je sais certainement, c'est que j'aurai une copie de ce buste auquel Pigalle travaille; ne pouvant posséder l'original, j'en aurai au moins la copie. C'est se contenter de peu, lorsqu'on se souvient qu'autrefois on a possédé ce divin génie même. La jeunesse est l'âge des bonnes aventures; quand on devient vieux et décrépit, il faut renoncer aux beaux esprits comme aux maîtresses.
Conservez-vous toujours pour éclairer encore, dans vos vieux jours, la fin de ce siècle qui se glorifie de vous posséder, et qui sait connaître le prix de ce trésor.
425. DE VOLTAIRE.
Ferney, 12 octobre 1770.
Sire, nous avons été heureux pendant quinze jours, d'Alembert et moi; nous avons toujours parlé de V. M.; c'est ce que font tous les êtres pensants; et, s'il y en a dans Rome, ce n'est pas de Ganganelli qu'ils s'entretiennent. Je ne sais si la santé de d'Alembert lui permettra d'aller en Italie; il pourrait bien se contenter, cet hiver, du soleil de Provence, et n'étaler son éloquence sur le héros philosophe qu'aux descendants de nos anciens troubadours. Pour moi, je ne fais entendre mon filet de voix qu'aux Suisses et aux échos du lac de Genève.
J'ai été d'autant plus touché de votre dernière lettre, que j'ai osé prendre en dernier lieu V. M. pour mon modèle. Cette expression paraîtra d'abord un peu ridicule; car en quoi un vieux barbouilleur de papier pourrait-il tâcher d'imiter le héros du Nord? Mais vous savez que les philosophes vinrent demander des règles à Marc-Aurèle quand il partit pour la Moravie, dont V. M. revient.
Je voudrais pouvoir vous imiter dans votre éloquence, et dans