<184>nistres et de ses maîtresses. Je ne me mêle que de mes affaires et du carnaval, qui dure encore.
Nous avons un bon opéra, et, à l'exception d'une seule actrice, mauvaise comédie. Vos histrions velches se vouent tous à l'opéra-comique; et des platitudes mises en musique sont chantées par des voix qui hurlent et détonnent à donner des convulsions aux assistants. Durant les beaux jours du siècle de Louis XIV, ce spectacle n'aurait pas fait fortune. Il passe pour bon dans ce siècle de petitesses, où le génie est aussi rare que le bon sens, où la médiocrité en tout genre annonce le mauvais goût qui probablement replongera l'Europe dans une espèce de barbarie dont une foule de grands hommes l'avait tirée.
Tant que nous conserverons Voltaire, il n'y aura rien à craindre; lui seul est l'Atlas qui soutient par ses forces cet édifice ruineux. Son tombeau sera celui du bon goût et des lettres. Vivez donc, vivez, et rajeunissez, s'il est possible; ce sont les vœux de toutes les personnes qui s'intéressent à la belle littérature, et principalement les miens.
433. DE VOLTAIRE.
Ferney, 15 février 1771.
Sire, tandis que vos bontés me donnent des louanges qui me sont si légitimement dues sur mon orthodoxie et sur mon tendre amour pour la religion catholique, apostolique et romaine, j'ai bien peur que mon zèle ardent ne soit pas approuvé par les principaux membres de notre sanhédrin infaillible. Ils prétendent que je me mets à genoux devant eux pour leur donner des croquignoles, et que je les rends ridicules avec tout le respect possible. J'ai beau leur citer la belle Préface d'un grand homme, qui est au-devant d'une Histoire de l'Église très-édifiante, ils ne reçoivent point mon excuse; ils disent que ce qui est très-bon dans le vainqueur de Rossbach et de Lissa n'est pas tolérable d-