<190>je prie le grand dieu de la médecine, votre protecteur, le divin Apollon, de vous avoir en sa sainte et digne garde.

436. AU MÊME.

Le 19 mars 1771.a

Quels agréments, quel feu tu possèdes encore!
Le couchant de tes jours surpasse leur aurore.
Quand l'âge injurieux mine et glace nos sens,
Nous perdons les plaisirs, les grâces, les talents;
Mais l'âge a respecté ta voix douce et légère;
Pour le malheur des sots il fit grâce à Voltaire.b

Ce petit compliment vous est dû; ou, pour mieux dire, c'est une merveille qui étonne l'Europe, ce sera un problème que la postérité aura peine à résoudre, que Voltaire, chargé de jours et d'années, a plus de feu, de gaîté, de génie, que cette foule de jeunes poëtes dont votre patrie abonde.

Votre impératrice sera sans doute flattée de l'Épître que vous lui adressez. Il est constant que ce sont des vérités; mais il n'est donné qu'à vous de les rendre avec autant de grâces. J'ai été fort surpris de me voir cité dans vos vers;c certes, je ne présumais pas de devenir un auteur grave.d Mon amour-propre vous en fait ses compliments. J'aurai bonne opinion de mes rapsodies tant que je les verrai enchâssées dans les cadres que vous leur savez si bien faire.


a Le 18 mars 1771. (Variante des Œuvres posthumes, t. IX, p. 140.)

b Ces deux derniers vers sont remplacés dans les Œuvres posthumes, t. IX, p. 137, par ceux-ci :
     

Mais, surchargé d'hivers, Voltaire est, à l'entendre,
Tel qu'on dit le phénix, qui renaît de sa cendre.

c Dans son Épître à l'impératrice de Russie (Œuvres, t. XIII, p. 311), Voltaire cite le vers suivant des Œuvres de Frédéric (t. X, p. 63) :
     

Lorsqu'Auguste buvait, la Pologne était ivre.

d Voyez t. XIX, p. 254, et t. XXII, p. 169.