<199>un mauvais augure. Il n'entreprenait rien un lundi, parce que ce jour était malheureux. Si vous lui en demandiez la raison, il l'ignorait.c Vous savez ce qu'on rapporte de Hobbes : incrédule le jour, il ne couchait jamais seul la nuit, de peur des revenants.
Qu'un fripon se propose de tromper les hommes, il ne manquera pas de dupes. L'homme est fait pour l'erreur; elle entre comme d'elle-même dans son esprit; et ce n'est que par des travaux immenses qu'il découvre quelques vérités.a Vous, qui en êtes l'apôtre, recevez les hommages du petit coin de mon esprit purifié de la rouille superstitieuse, et déséborgnez mes compagnons. Pour les aveugles, il faut les envoyer aux Quinze-Vingts. Éclairez encore ce qui est éclairable; vous semez dans des terres ingrates, mais les siècles futurs feront une riche récolte de ces champs. Le Philosophe de Sans-Souci salue l'ermite de Ferney.
441. DE VOLTAIRE.
Ferney, 21 août 1771.
Sire, Votre Majesté va rire de ma requête; elle dira que je radote. Je lui demande une place de conseiller d'État. Ce n'est pas pour moi, comme vous le croyez bien, et je ne donne point de conseils aux rois, excepté peut-être à l'empereur de la Chine. Je m'imagine d'ailleurs que M. de Lentulus appuiera ma requête. C'est pour un banneret ou banderet de votre principauté de Neufchâtel, nommé Osterwald, qui est persécuté par les prêtres. Il a servi longtemps V. M., et je crois qu'il est excommunié.
Voilà deux puissantes raisons, à mon gré, pour le faire conseiller d'État. Cet homme est d'un esprit très-doux, très-conci-
c La superstition populaire attribuait à ce même prince d'Anhalt un pouvoir surnaturel. Voyez t. XIX, p. 182 de notre édition. Voyez aussi t. I, p. 215 et suivantes; t. III, p. 181 et suivantes; t. XVI. p. 92 et 159; et t. XX, p. 125 et 147.
a Voyez t. VIII, p. 33-50.