459. AU MÊME.
Potsdam, 6 décembre 1772.
Sur la fin des beaux jours dont vous fîtes l'histoire,
Si brillants pour les arts, où tout tendait au grand,
Des Français un seul homme a soutenu la gloire.
Il sut embrasser tout; son génie agissant
A la fois remplaça Bossuet et Racine,
Et, maniant la lyre ainsi que le compas,
Il transmit les accords de la muse latine
Qui du fils de Vénus célébra les combats.
De l'immortel Newton il saisit le génie,
Fit connaître aux Français ce qu'est l'attraction;
Il terrassa l'erreur et la religion.
Ce grand homme lui seul vaut une académie.a
Vous devez le connaître mieux que personne. Pour notre poudre à canon, je crois qu'elle a fait plus de mal que de bien, ainsi que l'imprimerie, qui ne vaut que par les bons ouvrages qu'elle répand dans le public. Par malheur ils deviennent de jour en jour plus rares.
Nous avons dans notre voisinage une cherté de blés excessive. J'ai cru que les Suisses n'en manquaient pas, encore moins les Français, dont les ouvrages économiques éclairent nos régions ignorantes sur les premiers besoins de la nature.
Je ne connais point de traités signés à Potsdam ou à Berlin. Je sais qu'il s'en est fait à Pétersbourg.a Ainsi le public, trompé par les gazetiers, fait souvent honneur aux personnes de choses auxquelles elles n'ont pas eu la moindre part. J'ai entendu dire de même que l'impératrice de Russie avait été mécontente de la manière dont le comte Orloff avait conduit la négociation de Fokschani.b Il peut y avoir eu quelque refroidissement, mais je n'ai point appris que la disgrâce fût complète. On ment d'une maison à l'autre; à plus forte raison de faux bruits peuvent-ils se répandre et s'accroître quand ils passent de bouche en bouche
a Ces douze vers se trouvent déjà dans notre t. XIII, p. 107.
a Le 5 août 1772. Voyez t. VI, p. 50.
b Voyez t. VI, p. 52.