<23>n'est point dangereuse; mais il craint que tant de travaux n'altèrent votre sang. Cet homme est sûrement le plus grand médecin de l'Europe, le seul qui connaisse la nature. Il m'avait assuré qu'il y avait du remède pour l'état de votre auguste sœur, six mois avant sa mort. Je fis ce que je pus pour engager Son Altesse Royale à se mettre entre les mains de Tronchin; elle se confia à des ignorants entêtés, et Tronchin m'annonça sa mort deux mois avant le moment fatal. Je n'ai jamais senti un désespoir plus vif. Elle est morte victime de sa confiance en ceux qui l'ont traitée. Conservez-vous, Sire, car vous êtes nécessaire aux hommes.
346. A VOLTAIRE.
Breslau, 23 janvier 1759.
J'ai reçu les vers que vous avez faits; apparemment que je ne me suis pas bien expliqué. Je désire quelque chose de plus éclatant et de public. Il faut que toute l'Europe pleure avec moi une vertu trop peu connue. Il ne faut point que mon nom partage cet éloge; il faut que tout le monde sache qu'elle est digne de l'immortalité; et c'est à vous de l'y placer.
On dit qu'Apelles était le seul digne de peindre Alexandre; je crois votre plume la seule digne de rendre ce service à celle qui sera le sujet éternel de mes larmes.
Je vous envoie des versa faits dans un camp, et que je lui envoyai un mois avant cette cruelle catastrophe qui nous en prive pour jamais. Ces vers ne sont certainement pas dignes d'elle, mais c'était du moins l'expression vraie de mes sentiments. En un mot, je ne mourrai content que lorsque vous vous serez surpassé dans ce triste devoir que j'exige de vous.
Faites des vœux pour la paix; mais quand même la victoire la ramènerait, cette paix et la victoire, ni tout ce qu'il y a dans l'univers, n'adouciront la douleur cruelle qui me consume.
a Voyez t. XII, p. 101-107, et t. XIII, p. 188-194.