<233>que de coucher avec ses odalisques, qui se moquent de lui, battu par une dame née dans votre voisinage, trompé, volé, méprisé par ses ministres, ne sachant rien, ne se connaissant à rien. J'avoue qu'il n'y aura point dans la postérité de plus énorme contraste; mais j'ai peur que ce gros cochon, s'il se porte bien, ne soit plus heureux que vous. Tâchez qu'il n'en soit rien; ayez autant de santé et de plaisir que de gloire, l'année 1773, et cinquante autres années suivantes, si faire se peut; et que V. M. me conserve ses bontés pour les minutes que j'ai encore à vivre au pied des Alpes. Ce n'est pas là que j'aurais voulu vivre et mourir.

La volonté de Sa sacrée Majesté le Hasard soit faite!

462. A VOLTAIRE.

Potsdam, 3 janvier 1773.a

Que Thieriot a de l'esprit,
Depuis que le trépas en a fait un squelette!
Mais lorsqu'il végétait dans ce monde maudit,
Du Parnasse français composant la gazette,
Il n'eut ni gloire ni crédit.
Maintenant il paraît, par les vers qu'il écrit,
Un philosophe, un sage, autant qu'un grand poëte.

Aux bords de l'Achéron, où son destin le jette,
Il a trouvé tous les talents
Qu'une fatalité bizarre
Lui dénia toujours lorsqu'il en était temps,
Pour les lui prodiguer au fin fond du Ténare.
Enfin les trépassés et tous nos sots vivants
Pourront donc aspirer à briller comme à plaire.
S'ils sont assez adroits, avisés et prudents
De choisir pour leur secrétaire
Homère, Virgile, ou Voltaire.a


a Le 26 janvier 1773. (Variante des Œuvres posthumes, t. IX, p. 185.) Le 3 janvier, Frédéric était à Berlin; le 26 il était à Potsdam.

a Ces dix-sept vers se trouvent déjà, avec une légère variante, dans notre t. XIII, p. 108.