<236>remplie, au lieu que souvent nos espérances sont trompées, parce que nous ne travaillons que pour nos contemporains, et vous pour tous les siècles.
On ne vit plus avec nous quand un peu de terre a couvert nos cendres; et l'on converse avec tous les beaux esprits de l'antiquité, qui nous parlent par leurs livres.
Nonobstant tout ce que je viens de vous exposer, je n'en travaillerai pas moins pour la gloire, dussé-je crever à la peine, parce qu'on est incorrigible à soixante et un ans, et parce qu'il est prouvé que celui qui ne désire pas l'estime de ses contemporains en est indigne. Voilà l'aveu sincère de ce que je suis, et de ce que la nature a voulu que je fusse.
Si le Patriarche de Ferney, qui pense comme moi, juge mon cas un péché mortel, je lui demande l'absolution. J'attendrai humblement sa sentence; et, si même il me condamne, je ne l'en aimerai pas moins.
Puisse-t-il vivre la millième partie de ce que durera sa réputation; il passera l'âge des patriarches. C'est ce que lui souhaite le Philosophe de Sans-Souci. Vale.
Je fais copier mes lettres, parce que ma main commence à devenir tremblante, et que, écrivant d'un très-petit caractère, cela pourrait fatiguer vos yeux.
463. AU MÊME.
Berlin, 16 janvier 1773.a
Je me souviens que lorsque Milton, dans ses voyages en Italie, vit représenter une assez mauvaise pièce qui avait pour titre Adam et Eve, cela réveilla son imagination, et lui donna l'idée de son poëme du Paradis perdu. Ainsi ce que j'aurai fait de mieux par mon persiflage des confédérés, c'est d'avoir donné lieu
a Le 10 janvier 1773. (Variante des Œuvres posthumes, t. IX, p. 181.)