<238>mot, quand vous aurez des Fontenelle, des Montesquieu, des Gresset, surtout des Voltaire, je renouerai cette correspondance; mais jusque-là je la suspendrai.
Je ne connais point ce Morival dont vous me parlez. Je m'informerai après lui pour savoir de ses nouvelles. Toutefois, quoi qu'il arrive, étant à mon service, il n'aura pas le triste plaisir de se venger de sa patrie. Tant de fiel n'entre point dans l'âme des philosophes.a
Je suis occupé ici à célébrer les noces du landgrave de Hesse avec ma nièce.b Je jouerai un triste rôle à ces noces, celui de témoin, et voilà tout. En attendant, tout s'achemine à la paix; elle sera conclue dans peu. Alors il restera à pacifier la Pologne; à quoi l'impératrice de Russie, qui est heureuse dans toutes ses entreprises, réussira immanquablement.
Je me trouve à présent, contre ma coutume, dans le tourbillon du grand monde, ce qui m'empêche pour cette fois, mon cher Voltaire, de vous en dire davantage. Dès que je serai rendu à moi-même, je pourrai m'entretenir plus librement avec le Patriarche de Ferney, auquel je souhaite santé et longue vie, car il a tout le reste. Vale.
464. DE VOLTAIRE.
Ferney, 1er février 1773.
Sire, je vous ai remercié de votre porcelaine; le Roi mon maître n'en a pas de plus belle; aussi ne m'en a-t-il point envoyé. Mais je vous remercie bien plus de ce que vous m'ôtez que je ne suis sensible à ce que vous me donnez. Vous me retranchez tout net neuf années dans votre dernière lettre; jamais notre contrôleur
a Tant de fiel entre-t-il dans l'âme des dévots?
Le Lutrin
, chant I, v. 12. Voyez t. XIV, p. 340 et 398.b La princesse Philippine de Schwedt (t. VI, p. 251), dont les noces furent célébrées le 10 janvier. Voyez t. XX, p. XV.