<242>Mais qui contient des bons vieux temps
Le seul auteur qui me ravisse
Par l'art harmonieux de modeler ses chants.a
Les Grecs, vos favoris, cherchèrent en Asie
La science et la vérité;
Platon jusqu'en Égypte avait même tenté
D'éclairer sa philosophie.
Désormais nos cantons, de ses charmes épris,
Sans chercher pour l'esprit des aliments dans l'Inde,
Trouvent le dieu du goût comme le dieu du Pinde
Tous deux à Ferney réunis.b
Vous aurez peut-être encore le plaisir de voir les Musulmans chassés de l'Europe; la paix vient de manquer pour la seconde fois. De nouvelles combinaisons donnent lieu à de nouvelles conjonctures. Vos Velches sont bien tracassiers. Pour moi, disciple des encyclopédistes, je prêche la paix universelle en bon apôtre de feu l'abbé de Saint-Pierre;c et peut-être ne réussirai-je pas mieux que lui. Je vois qu'il est plus facile aux hommes de faire le mal que le bien, et que l'enchaînement fatal des causes nous entraîne malgré nous, et se joue de nos projets, comme un vent impétueux d'un sable mouvant.
Cela n'empêche pas que le train des choses ordinaires ne continue. Nous arrangeons le chaos de l'anarchie chez nous, et nos évêques conservent vingt-quatre mille écus de rente; les abbés, sept mille. Les apôtres n'en avaient pas autant. On s'arrange avec eux de manière qu'on les débarrasse des soins mondains, pour qu'ils s'attachent sans distraction à gagner la Jérusalem céleste, qui est leur véritable patrie.
Je vous suis obligé de la part que vous prenez à l'établissement de ma nièce; elle a une figure fort intéressante, jointe à une conduite qui me fait espérer qu'elle sera heureuse, autant qu'il est donné à notre espèce de l'être.
a Ce vers se trouve dans les Œuvres posthumes, t. VII, p. 62, mais il manque dans l'édition de Kehl, t. LXVT, p. 82, et dans les Œuvres de Voltaire, édit. Beuchot, t. LXVIII, p. 158.
b Ces vingt vers ont déjà été imprimés, avec quelques légères variantes, dans notre t. XIII, p. 109.
c Voyez t. XVII, p. 200, et t. XXII, p. 100.