<246>je vous envoie l'histoire de sa convalescence.a Il a actuellement quatre-vingt-cinq ans passés. Ce n'est pas une bagatelle d'avoir poussé sa carrière jusqu'à un âge aussi avancé, et de repousser les attaques de la mort comme un jeune homme.
L'autre pièce,b qui commence par un badinage, finit par quelques réflexions morales. J'ai fort recommandé qu'on eût soin d'en affranchir le port, parce qu'il n'est pas juste que vous payiez un fatras de fadaises qui vous ennuiera peut-être.
Vous me parlez de vos Velches et de leurs intrigues; elles me sont toutes connues. Il ne m'échappe rien de ce qui se passe à Stockholm, ainsi qu'à Constantinople. Mais il faut attendre jusqu'au bout pour voir qui rira le dernier.
Votre impératrice a bien des ressources. Le Nord demeurera tranquille, ou ceux qui voudront le troubler, tout froid qu'il est, s'y brûleront les doigts.
Voilà ce que je prends la liberté de vous annoncer, et que vos Velches, pour trouver des souverains trop crédules, pourront peut-être les précipiter eux-mêmes dans de plus grands malheurs que ceux qu'ils ont courus jusqu'à présent.
Mais je ne sais de quoi je m'avise; les pronostics ne vont point à l'air de mon visage, et ce n'est pas à un incrédule à faire le voyant, aussi peu qu'à un échappé des Teutons à faire des vers velches. Je me sauverai de ceci comme Pilate, qui dit : Quod scripsi, scripsi.a
On peut mal prévoir, on peut faire de mauvais vers; mais cela n'empêche pas qu'on ne soit sensible au destin des grands hommes, et que le Philosophe de Sans-Souci ne prenne un vif intérêt à la conservation du Patriarche de Ferney, pour lequel il conservera toute sa vie la plus grande admiration.
a Voyez t. XIII, p. 126-129, et t. XX, p. V-VII, et 83-119.
b Voyez t. XIII, p. 111-118.
a Evangile selon saint Jean, chap. XIX, v. 22.