<280>Le seul moyen d'obtenir grâce pour Morival est de lui persuader d'aller faire amende honorable à la porte de quelque église, la torche à la main, de se faire fesser par des moines au pied du maître-autel, et, au sortir de là, de se faire moine lui-même. Ni vous, ni lui, ne fléchirez autrement ce clergé qui se dit le ministre du Dieu des vengeances, ni les juges auxquels rien ne coûte tant que de se rétracter.
Cependant l'entreprise vous fera honneur, et la postérité dira qu'un philosophe retiré à Ferney, du fond de sa retraite, a su élever sa voix contre l'iniquité de son siècle, qu'il a fait briller la vérité au pied du trône, et contraint les puissants de la terre à réformer les abus. L'Arétin n'en a jamais fait autant. Continuez à protéger la veuve et l'orphelin, l'innocence opprimée, la nature humaine foulée sous les pieds impérieux de l'arrogance titrée; et soyez persuadé que personne ne vous souhaite plus de prospérités que le Philosophe de Sans-Souci. Vale.
489. AU MÊME.
Potsdam, 19 juin 1774.
Aucun cheval ne m'a jeté en bas; je ne suis point tombé. Je n'ai point eu l'aventure de votre saint Paul,a qui était un détestable cavalier; mais j'ai eu la fièvre avec un fort érésipèle. Cependant je n'ai rien vu d'extraordinaire dans mes rêveries; point de troisième ciel.b J'ai encore moins entendu de ces paroles ineffables que la langue des hommes ne saurait rendre.c Mon aventure toute commune s'est réduite à un érésipèle, comme tout le monde peut l'avoir.
Le gazetier de Leyde, qui ne m'honore pas de sa faveur, a
a Actes des Apôtres, chap. IX, v. 4.
b II Corinthiens, chap. XII, v. 2.
c L. c., verset 4.