<33>heureux; mais vous manquez à mon bonheur, et je mourrai bientôt sans vous avoir vu; vous ne vous en souciez guère, et je tâche de ne m'en point soucier. J'aime vos vers, votre prose, votre esprit, votre philosophie hardie et ferme. Je n'ai pu vivre sans vous, ni avec vous.a Je ne parle point au roi, au héros, c'est l'affaire des souverains; je parle à celui qui m'a enchanté, que j'ai aimé, et contre qui je suis toujours fâché.
353. DU MÊME.
(Aux Délices) 30 mars 1759.
Quoique tout le monde soit en armes et en alarmes, j'ai pourtant reçu tous les paquets de V. M. l'Épître à Sa Béatitude madame l'abbesse de Quedlinbourg sur Sa sacrée Majesté le Hasard a bien un grand fonds de vérité; et, si cette Épître était rabotée, je la regarderais comme le meilleur de vos ouvrages, et le plus philosophique. Il me paraît, par la date, que V. M. s'amusa à faire ces vers quelques jours avant notre belle aventure de Rossbach. Certainement vous étiez le seul alors en Allemagne qui fissiez des vers. Le Hasard n'a pas été pour nous. Je pense que celui qui met ses bottes à quatre heures du matin a un grand avantage au jeu contre celui qui monte en carrosse à midi. Je souhaite passionnément que tout ce jeu finisse, et que vos jours soient aussi tranquilles qu'ils sont brillants. V. M. daigne n'être pas mécontente du tribut de louange et de regret que j'ai payé à la mémoire de la plus respectable princesse qui fût au monde. Il est vrai que mon cœur dicta l'éloge assez vite; la réflexion l'a corrigé lentement. Pardonnez, mais voici encore une strophe que je soumets à votre jugement. Je n'avais pas, ce me semble, assez parlé du courage avec lequel cette digne princesse a fini sa vie.
a Difficilis facilis, jucundus acerbus es idem;
Nec tecum possum vivere, nec sine te.