<331>surtout, s'il n'existait plus; et n'oubliez pas le solitaire de Sans-Souci.
520. DE VOLTAIRE.
(Ferney) 21 juin 1775.
Sire, tandis que Votre Majesté fait probablement manœuvrer trente ou quarante mille guerriers, je crois ne pouvoir mieux prendre mon temps pour lui présenter la bataille de Rossbach, dessinée par d'Étallonde.
Il brûle d'envie de se trouver à une pareille bataille. La bonté extrême que vous avez eue de nous envoyer la consultation de vos premiers magistrats ne lui laisse d'autre idée que de verser son sang pour votre service; la reconnaissance qu'il vous doit, et l'honneur d'être au nombre de vos officiers, l'emportent sur tous les autres projets. Il ne veut plus aucune grâce en France; il en était déjà bien dégoûté; vos dernières bontés ferment son cœur à tout autre objet que celui de mourir Prussien; il voudrait au moins paraître parmi les braves gens dont V. M. fait des revues. On lui a dit que son régiment pourrait bien faire l'exercice en votre présence cette année; à cette nouvelle, je crois voir un amant à qui sa maîtresse a donné un rendez-vous; il ne me parle que de son départ, je ne puis le retenir. J'ai beau lui dire qu'il n'a point reçu d'ordre, et qu'il faut attendre; il dit qu'il n'attendra rien. Je ne suis pas fait pour contredire les grandes passions, et surtout une passion si belle. S'il retourne à Wésel dans quelques jours, il ne me reste, Sire, qu'à me jeter à vos pieds du fond de ma retraite et du bord de mon tombeau, à remercier V. M. de ce qu'elle a daigné faire pour lui, et à me flatter qu'elle voudra bien l'honorer des emplois dont elle le croira capable; il n'y a qu'un héros philosophe qui puisse être servi par un tel officier.
Ma lettre arrivera peut-être mal à propos au milieu de vos immenses occupations; mais les plus petites affaires vous sont