<338>Pour moi, je me console d'avoir vécu dans le siècle de Voltaire; cela me suffit. Qu'il vive, qu'il digère, qu'il soit de bonne humeur, et surtout qu'il n'oublie pas le solitaire de Sans-Souci. Vale.
524. AU MÊME.
Potsdam, 27 juillet 1775.
Je pars dans quinze jours pour faire la tournée de la Silésie; je ne peux être de retour que le 6 de septembre. Si Morival veut se rendre vers ce, temps-ci, il pourra s'adresser au colonel Cocceji, qui me le présentera. J'ai saisi avec empressement cette occasion de vous faire plaisir, et en même temps de fixer le sort d'un homme qu'une étourderie de jeunesse a perdu pour jamais dans sa patrie. Comme les hommes abusent de tout, les lois qui devaient constater la sûreté et la liberté des peuples, infectées en France du poison du fanatisme, sont devenues cruelles et barbares. Mais la France est un pays civilisé; comment concilier un pareil contraste?
Comment ce sol qui a produit des de Thou, des Gassendi, des Des Cartes, des Fontenelle, des Voltaire, des d'Alembert, a-t-il produit des furieux assez imbéciles pour condamner à mort des jeunes gens qui ont manqué de faire la révérence devant la statue d'un garçon charpentier juif? La postérité trouvera cette énigme plus difficile à deviner que celle du sphinx qu'Œdipe expliqua. Je vous avoue de même que la sainte ampoule et ses otages, et la guérison des écrouelles, ne font guère honneur au dix-huitième siècle.
On parlait ces jours derniers de ces soi-disant miracles opérés par les Rois Très-Chrétiens, et mylord Marischal conta que, pendant sa mission en France, il y avait vu des étrangers qui lui paraissaient Espagnols; que, par attachement pour cette nation, où il avait passé une partie de sa vie, il leur avait demandé ce qu'ils venaient faire à Paris; que l'un d'eux lui répondit : Nous