<34>Illustres meurtriers, victimes mercenaires,
Qui, redoutant la honte et surmontant la peur,

Animés l'un par l'autre aux combats sanguinaires,
Fuiriez, si vous l'osiez, et mourez par honneur;
Une femme, une princesse,
Qui dédaigna la mollesse,
Qui du sort soutint les coups,
Et qui vit d'une âme égale
Venir son heure fatale,
Était plus brave que vous.

Sort soutint fait une cacophonie désagréable; venir me paraît faible. Je ne trouve pas mieux, et j'avoue que, après l'art de gagner des batailles, celui de faire des vers est le plus difficile.

Fuiriez, si vous l'osiez; parlez pour vous, messieurs, dira V. M.; et moi chétif, je soutiens que si César se trouvait seul, pendant la nuit, exposé incognito à une batterie de canon, et qu'il n'y eût d'autre moyen de sauver sa vie qu'en se mettant dans un tas de fumier, ou dans quelque chose de mieux, on y trouverait le lendemain matin Caïus Julius César plongé jusqu'au cou.

Cette lettre trouvera peut-être V. M. à quelque batterie, mais non pas dans un tas de fumier. Heureux ceux qui sont sur leur fumier comme moi!

Recevez avec bonté, Sire, les respects et les folies du vieux Suisse.

354. A VOLTAIRE.

Bolkenhayn, 11 avril 1759.

Distinguez, je vous prie, les temps où les ouvrages ont été faits. Les Tristes d'Ovide et l'Art d'aimer ne sont pas contemporains. Mes élégies ont leur temps marqué par l'affreuse catastrophe qui laissera un trait enfoncé dans mon cœur, autant que mes yeux seront ouverts. Les autres pièces ont été faites dans des intervalles qui se trouvent toujours, quelque vive que soit la guerre.