<355>temps l'ornement du siècle et une source de contentement pour ceux qui lisent ses ouvrages! Vale.a
531. AU MÊME.
Potsdam, 22 octobre 1775.
La goutte m'a tenu lié et garrotté pendant quatre semaines; s'entend que je l'ai eue aux deux pieds, aux deux genoux, aux deux mains, et, par surcroît de faveur, au coude. A présent la fièvre et les douleurs ont cessé, et je ne souffre plus que d'un grand épuisement de forces. Pendant cet accès, j'ai reçu de Ferney deux lettres charmantes; mais, eussent-elles été du grand Demiourgos, je n'aurais pu même dicter la réponse. J'ai lié connaissance avec Apollon, dieu de la médecine; mais Apollon, dieu du Parnasse, si jamais il m'inspire, ne me communiquera ses dons qu'après que mon corps aura repris assez de forces pour en communiquer à mon cerveau.
Divus Etallundus vient d'arriver; c'est un enfant arraché aux griffes de l'infâme et aux flammes de l'inquisition. Il a été très-bien reçu, parce qu'il m'a assuré que les médecins donnaient encore dix années de vie à son généreux défenseur, au sage du mont Jura, qui fait rougir les Velches de leurs lois et de leurs procédures barbares. D'Étallonde assure que vous avez plus d'huile dans votre lampe que n'en avaient toutes les vierges de l'Évangile. Puisse-t-elle durer toujours, et puisse au moins votre corps subsister à proportion de ce que durera votre réputation! Vous toucheriez à l'immortalité.
J'attends le retour de mes forces et de mes pensées pour vous écrire d'un style moins laconique, en vous assurant que le malade de Sans-Souci aimera toujours le Patriarche de Ferney. Vale.
a Cet alinéa est tiré des Œuvres posthumes, t. IX, p. 298 et 299.