<376>et de frugalité nos anciens Germains, qui certainement ne méritaient alors d'être imités de personne. De même M. de Voltaire se tue de dire à ses Velches : Apprenez des Chinois à récompenser les actions vertueuses, encouragez comme eux l'agriculture, et vous verrez vos landes de Bordeaux et votre Champagne pouilleuse, fécondées par vos travaux, produire d'abondantes moissons; faites de vos encyclopédistes des mandarins, et vous serez bien gouvernés. Si les lois sont uniformes et les mêmes dans tout le vaste empire de la Chine, ô Velches! n'êtes-vous pas honteux de ce que, dans votre petit royaume, vos lois changent à chaque poste, et qu'on ne sait jamais par quelle coutume on est jugé?
L'abbé me répond que vous faites fort bien; mais il prétend que la Chine n'est ni si heureuse ni si sage que vous le soutenez, et qu'elle est rongée par des abus plus intolérables que ceux dont on se plaint dans notre Occident.
Il me semble donc que votre dispute se réduit à ceci : est-il permis d'employer des mensonges officieux pour parvenir à de bonnes fins? On pourra soutenir le pour et le contre, et sur cette question les avis ne se réuniront jamais.a
Pour moi, pauvre Achille, si tant y a, je ne suis invulnérable ni aux talons, ni aux genoux, ni aux mains. La goutte s'est promenée successivement dans tout mon corps, et m'a donné une bonne leçon de patience. Il n'y a que ma tête qui est demeurée hors d'atteinte. A présent j'ai fait divorce avec cette harpie, et j'espère au moins d'en être délivré pour un temps. Il faut bien que notre frêle machine soit détruite par le temps, qui absorbe tout. Mes fondements sont déjà sapés; je défends encore la citadelle, et j'abandonne les ouvrages extérieurs à la force majeure, qui bientôt m'achèvera par quelque assaut bien préparé.
Mais tout cela ne m'embarrasse guère, pourvu que j'apprenne que le Protée de Ferney a eu quelques succès contre l'infâme, qu'il éclaire encore la littérature, la raison, les finances, etc., etc. Cela me suffit, et j'espère qu'il n'oubliera pas l'ex-jésuite de Sans-Souci. Vale.
a Voyez, la lettre de Frédéric à d'Alembert, du 3 avril 1770; la lettre de celui-ci à Frédéric, du 22 septembre 1777; et la réponse du Roi, du 5 octobre 1777.