<388>même, si je connaissais votre mal à fond. Mais j'ai appris d'Hippocrate qu'il ne faut pas se mêler de guérir un mal avant de l'avoir bien examiné et étudié. Ma pharmacie est à votre service; il vaudrait mieux que vous n'en eussiez pas besoin. En attendant, je fais des vœux sincères pour votre contentement et votre longue conservation. Vale.

P. S. Bon Dieu! quelle cruauté de persécuter la vieillesse d'un homme qui illustre sa patrie, et sert de plus grand ornement à notre siècle! Quels barbares!

552. DE VOLTAIRE.

Ferney, 9 décembre 1776.

Sire, il n'est pas étonnant qu'un homme qui a passé sa vie à barbouiller du papier contre ceux qui trompent les hommes, qui les volent, et qui les persécutent, soit un peu poursuivi par ces gens-là sur la fin de ses jours. Il est encore moins étonnant que le Marc-Aurèle de notre siècle prenne pitié de ce vieil Épictète. V. M. daigne me consoler, d'un trait de plume, des cris de la canaille superstitieuse et implacable.

J'ai pris la liberté de déposer à vos pieds les raisons qui m'avaient privé longtemps de l'honneur de vous écrire; et parmi ces raisons, la première a été la nécessité où je suis réduit d'être un petit Libaniusa qui répond aux Grégoire de Nazianzeb et aux Cyrille.c

La fourmilière que je fais bâtir dans ma retraite, et qui est rongée par les rats de la finance française, était le second motif de ma douleur et de mon silence; et l'oubli de votre ancien pupille M. le duc de Würtemberg était le troisième.


a Voyez ci-dessus, p. 298.

b Voyez t. XIII, p. 117.

c Saint Cyrille, patriarche d'Alexandrie, mort en 444; son ouvrage, Dix livres contre Julien l'Apostat, était dédié à l'empereur Théodose.