<403>Toutes ces variations sont pour le commun de l'espèce, mais non pour le divin Voltaire. Il est comme madame Sara, qui faisait tourner la tète aux roitelets arabes à l'âge de cent soixante ans. Son esprit rajeunit au lieu de vieillir; pour lui le Temps n'a point d'ailes; mais il est à craindre que la nature n'ait perdu le moule où elle l'a jeté. On nous conte que Jupiter prolongea la nuit qu'il coucha avec Alcmène, pour se donner le temps de fabriquer Hercule; je suis persuadé que si l'on examinait les phénomènes de l'année 1694,a pareille merveille s'y trouverait. Enfin jouissez longtemps des prodigalités de la nature; personne ne s'intéresse plus à votre conservation que le solitaire de Sans-Souci. Vale.

Il fallait les charmes de l'enchanteur de Ferney pour tirer des vers de ma vieille et stérile cervelle.

559. DE VOLTAIRE.

(Ferney) août 1777.

Monsieur le grand rêveur, personne n'a jamais fait un plus beau songe que vous. Si Nabuchodonosor avait rêvé ainsi, il n'aurait jamais oublié un pareil songe, et n'aurait point proposé à ses mages de les faire pendre, s'ils ne devinaient pas ce qu'il avait oublié.a L'empereur Julien, tout grand philosophe, tout homme d'esprit, et tout apostat qu'il était, n'eut pas le bonheur de raisonner aussi bien étant éveillé, que vous étant endormi. On reproche à ce grand homme d'avoir fait enchérir les bœufs et les vaches par ses fréquents sacrifices, dans le temps qu'il se moquait du saint sacrifice de la messe, et des autres facéties des christicoles. Pour vous, monsieur, vous vous moquez de toute la terre, et vous avez grande raison. Il y a même quelque appa-


a Année de la naissance de Voltaire. Voyez t. VII, p. 76.

a Daniel, chap. II Voyez t. XXI, p. 413 de notre édition.