<51>qu'il y a des libertés permises et des impertinences intolérables aux gens de lettres et aux beaux esprits. Devenez enfin philosophe, c'est-à-dire raisonnable. Puisse le ciel, qui vous a donné tant d'esprit, vous donner du jugement à proportion! Si cela pouvait arriver, vous seriez le premier homme du siècle, et peut-être le premier que le monde ait porté; c'est ce que je vous souhaite. Ainsi soit-il!
363. AU MÊME.a
Reich-Hennersdorf, 20 juin 1759.
Si j'étais du temps de l'ancienne chevalerie, je vous aurais dit que vous en avez menti par la gorge, en avançant au public que je vous ai écrit pour défendre mon Histoire de Brandebourg contre les sottises qu'en dit un abbé en ic ou en ac.b Je me soucie très-peu de mes ouvrages; je n'ai point pour eux cet amour enthousiaste qu'ont les célèbres auteurs pour le moindre mot qui leur échappe; je ne me battrai avec personne, ni pour ma prose, ni pour mes vers, et l'on en jugera ce que l'on voudra, sans que cela me cause d'insomnies. Je vous prie donc de ne vous point échauffer pour un sujet si mince, qui ne mérite pas que vous vous déchaîniez contre mes ennemis littéraires. Vous criez tant pour la paix, qu'il vous conviendrait mieux d'écrire, avec cette noble impertinence qui vous va si bien, contre ceux qui en retardent la conclusion, contre tous ces gens qui sont dans les convulsions et dans le délire. Ce serait un trait singulier dans l'histoire, si l'on écrivait au dix-neuvième siècle que ce fameux Voltaire, qui, de son temps, avait tant écrit contre les libraires, contre les fanatiques et contre le mauvais goût, avait fait, par ses ouvrages, tant de honte aux princes de la guerre qu'ils se
a Tirée de l'édition de Bâle, t. II, p. 302 et 303.
b Voyez ci-dessus, p. 32 et 34, et Œuvres de Voltaire, édit. Beuchot, t. XII, p. 481 et 482.