<74>Vous en revenez encore à la paix. Mais quelles conditions! Certainement les gens qui la proposent n'ont pas envie de la faire. Quelle dialectique que la leur! Céder le pays de Clèves, parce qu'il est habité par des bêtes! Que diraient ces ministres, si on demandait la Champagne, parce que le proverbe dit : Nonante-neuf moutons et un Champenois font cent bêtes? Ah! laissons tous ces projets ridicules. A moins que le ministre français ne soit possédé de dix légions de démons autrichiens, il faut qu'il fasse la paix. Vous m'avez mis en colère; votre repentir obtiendra votre pardon. En attendant, je vous abandonne à vos remords et aux Furies vengeresses qui poursuivent les calomniateurs, jusqu'à ce que cette religion naturelle que vous dites innée renouvelle les traces qu'elle avait autrefois imprimées dans votre âme. Vale.
374. DE VOLTAIRE.
(Château de Tournay) 15 avril 1760.
Puisque vous êtes si grand maître
Dans l'art des vers et des combats,
Et que vous aimez tant à l'être,
Rimez donc, bravez le trépas;
Instruisez, ravagez la terre;
J'aime les vers, je hais la guerre,
Mais je ne m'opposerai pas
A votre fureur militaire.
Chaque esprit a son caractère;
Je conçois qu'on a du plaisir
A savoir, comme vous, saisir
L'art de tuer et l'art de plaire.
Cependant ressouvenez-vous de celui qui a dit autrefois :a
Et, quoique admirateur d'Alexandre et d'Alcide,
J'eusse aimé mieux choisir les vertus d'Aristide.
a Frédéric lui-même, dans l'Épître à mon Esprit. Voyez t. X, p. 258.