<88>Je recommande M. le comte de Tournay à la protection de son ange gardien, de la très-sainte et immaculée Vierge, et du chevalier puîné du p ... Vale.
P. S. Pour vous amuser peut-être, je joins à ma lettre un petit morceau, comme dit notre bon d'Argens.a J'ai composé ce morceau pour un Suisse qui sert depuis un an dans mon artillerie.b Cet honnête Suisse ayant fait tourner dans sa garnison, à Bréda, la tête à une belle Hollandaise, il m'a demandé à différentes reprises la permission de l'épouser quand notre paix serait faite. Je l'accorde enfin; mais la belle, se mourant d'amour, n'a pas voulu attendre si longtemps, et le bel amour s'est envolé à tire-d'aile. O tempus! o mores! Vous voyez que je n'oublie pas mon latin. Vale.c
380. AU MÊME.
Le 31 octobre 1760.
Je vous suis obligé de la part que vous prenez à quelques bonnes fortunes passagères que j'ai escroquées au hasard. Depuis ce temps, les Russes ont fait une furationd dans le Brandebourg; j'y suis accouru, ils se sont sauvés tout de suite, et je me suis tourné vers la Saxe, où les affaires demandaient ma présence. Nous avons encore deux grands mois de campagne par devers nous; celle-ci a été la plus dure et la plus fatigante de toutes; mon tempérament s'en ressent, ma santé s'affaiblit, et mon esprit baisse à proportion que son étui menace ruine.
Je ne sais quelle lettre on a pu intercepter, que j'écrivis
a Voyez t. XIX, p. 170 et 177.
b Voyez t. XII, p. 174-177.
c Ce post-scriptum, omis dans l'édition de Kehl, est tiré de l'édition de Bâle, t. II, p. 341.
d Ce mot, de l'invention du Roi, fait allusion aux rapines des Russes, dont il parle t. V, p. 89-91.