<107>s'ils cèdent, c'est par faiblesse, ou qu'ils sont dupes, ou qu'ils sont lâches, s'ils sont modérés. Il y en a que leur facilité et leur bonté ont rendus des objets de mépris aux yeux de leurs peuples. Je vous avoue, madame, que d'aussi faux appréciateurs du mérite doivent être dédaignés, qu'on ne doit tenir aucun compte de leur jugement, et qu'ils se rendent eux-mêmes méprisables. Toutefois c'est la voix publique qui décide des réputations; et, quelque envie que l'on ait de braver les jugements de ce tribunal, on se trouve quelquefois obligé de le respecter. Les juges éclairés sont, quoique en petit nombre, infiniment préférables à ceux de la multitude. Lucain dit :
Les dieux sont pour César, mais Caton suit Pompée.aIl fait en même temps l'éloge de la vertu de Caton et de la cause de Pompée. Mais, madame, où est-ce que je m'égare? Il est bien question du jugement du public, de Lucain, de Caton, de César, dans une affaire de rien qui doit s'ajuster par l'intervention de quelques commissaires! La voix publique, la renommée, etc., diront ce qu'ils voudront; s'ils ne nous approuvent pas, ils auront dit une sottise, et ce ne sera pas la première. Pardon, pardon, madame; si j'en avais le temps, je vous écrirais une lettre plus sensée. Je me confie (et peut-être un peu trop) à votre extrême indulgence, en vous priant d'ajouter foi aux sentiments d'estime et d'admiration avec lesquels je suis, etc.
60. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.
Dresde, 1er mars 1766.
Sire,
Plus je remarque à Votre Majesté d'inquiétude sur le jugement que je puis porter de ses lettres, plus je redoute le sort de mes
a Voyez t. XV, p. 150; t. XVI, p. 174; t. XVIII, p. 253; t. XXI, p. 186; et t. XXIII, p. 264.