<11>N'allez donc pas vous dessaisir
Des erreurs, charmes de la vie :
O Catt! un moment de plaisir
Vaut cent ans de philosophie.

J'ai fait mon Marc-Aurèle ou mon Zénona pour moi; il convient à mon âge, à ma situation, et à tous les objets qui m'entourent. Vous qui êtes gai, qui ne voulez pas quitter les illusions qui vous flattent, je vous donne de l'Épicure; c'était mon maître lorsque j'avais votre âge. Je crains bien que, quand vous aurez le mien, vous ne reveniez à Zénon et à nos stoïciens. Ils nous donnent au moins un roseau pour nous appuyer lorsque le malheur nous abat, au lieu qu'Épicure n'est recevable qu'au sein de la prospérité. Ainsi tout a ses saisons. Vous êtes dans celle qui produit les fleurs et les fruits, et moi dans celle où les feuilles tombent, et où les arbres se dessèchent.

8. AU MÉME.b

(Breslau) 14 avril (1762).

Je vous renvoie le catalogue avec quelques marques, en vous remerciant. On reliera les livres choisis à Berlin. Il n'est pas de saison de les envoyer présentement ici, vu que nos mouvements vont bientôt commencer; mais je regarde ces livres comme des aliments que j'amasse pour nourrir mon âme l'hiver prochain, si je reste en vie. Je vous admire, mon cher, avec votre bonne espérance; je n'ai pas la foi aussi vive que vous; je ne prévois pas l'avenir plus qu'un dindon, et je me vois environné de piéges, d'embûches et de précipices, sans nouvelles certaines jusqu'au jour présent. Ce sera le 20 qu'elles arriveront, tant de Russie que de Constantinople. Dites au bon marquis que quand il y aura quelque chose de bon à lui apprendre, je me hâterai de le lui communiquer.


a Le Stoïcien. Voyez t. XII, p. 208-218, et t. XIX, p. 297 et suivantes.

b M. de Catt était alors à Berlin. Voyez t. XIX, p. 337 et suivantes.