<110>chargé, et dont ma conscience me ferait des reproches sanglants, si je m'écartais de ce devoir. Vous riez peut-être, madame, au mot de conscience; mais souffrez que je vous dise qu'en philosophie on l'a peut-être plus délicate qu'en religion. Dans toutes les sectes chrétiennes il y a des accommodements avec le ciel; mais quand, par un examen rigoureux, on trouve que sa conduite n'est pas d'accord avec ses principes, on se sent humilié et affligé en même temps, et le remords ne cesse qu'en réparant sa faute. Voilà comme font les philosophes. Mais j'oublie que je parle à V. A. R. Si cette lettre s'adressait à son confesseur, à la bonne heure; il trouverait dans Sanchez,a dans Escobar, dans Mariana, de quoi me convertir et m'absoudre. L'absolution, madame, que je vous demande, c'est la continuation de vos bontés; c'est cette indulgence qui vous fait recevoir si patiemment les balivernes qui m'échappent souvent quand j'ai l'honneur de vous écrire; c'est que vous daigniez, madame, croire que personne n'est avec plus d'attachement et d'admiration, etc.

62. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Dresde, 7 avril 1766.



Sire,

Si j'ai parlé morale et philosophie à Votre Majesté, je lui ai parlé une langue qui m'est bien moins familière qu'à elle; mais c'est pour provoquer vos réflexions, Sire, que je hasarde mes idées. Vous voyez que j'aime votre esprit aux dépens de mon amour-propre, et ce sacrifice n'est pas commun; peut-être me donnerait-il le droit d'en attendre dans l'occasion quelqu'un de V. M.; au moins, Sire, n'en demanderai-je jamais qui puissent gêner la tutelle dont vous tracez si fortement les devoirs. Chaque souverain a la même tâche à remplir, et c'est la mienne, Sire,


a Voyez t. XV, p. 166.