<131>dans mon âme. V. A. R. dira sans doute : Pourquoi vos actions ne sont-elles pas conformes à vos maximes? C'est, madame, que le hasard, plus puissant qu'Épicure et moi, a voulu que je naquisse l'aîné des enfants de mon père, dans un État où l'hérédité était d'usage immémorial; c'est que, lorsqu'on se trouve dans un emploi, il faut qu'on prenne l'esprit du corps; c'est ensuite que les conjonctures entraînent les hommes, et les font souvent aller malgré eux.

En vérité, madame, j'ai bien mérité que V. A. R. m'envoie promener avec mon Épicure et mon Diogène. Cependant daignez vous souvenir, madame, que vous m'avez poussé à cette digression, et que V. A. R. s'en prenne à elle-même de mon bavardage. Il est plus facile de faire parler une certaine espèce de gens que de les faire taire. Ma conscience m'accuse d'être de leur nombre; mais le plaisir que j'ai d'écrire à une princesse si éclairée me fait oublier que je l'ennuie. Les plus courtes folies sont les meilleures; je termine celle-ci, qui n'est que trop longue, en assurant V. A. R. que le seul mérite que je crois avoir est d'être un admirateur éclairé de ses qualités admirables, l'amant de ses talents, et de tous les princes celui qui est avec la plus véritable estime, etc.

79. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Dresde, 28 mars 1767.



Sire,

En lisant la dernière lettre que Votre Majesté m'a fait l'honneur de m'écrire, je me suis trouvée dans le cas de bien des gens qui lisent les philosophes; j'ai admiré, et n'ai point été convaincue. Non, Sire, malgré tous les préceptes d'Épicure, né même simple particulier, vous ne seriez point resté dans l'inaction. Votre génie vous eût crié sans cesse que vous étiez fait pour agir.a Il vous


a Frédéric dit dans son Épître V. A d'Argens (t. X, p. 110) :
     

L'homme est fait pour agir, non pour philosopher.