<151>la peine à décider pour l'affirmative, dès que V. M. leur parlera d'un bonheur général suivi et indépendant. Il faut bien que l'homme n'en soit point susceptible, puisque le bonheur même du grand Frédéric ne dépend pas uniquement de son âme; mais aussi peut-on se consoler d'un sort qu'on partage avec lui, et quant à moi, j'en suis toute consolée; je n'ai pas à me plaindre avec l'estime de V. M., et jouissant de l'avantage de vous assurer de l'admiration sans bornes avec laquelle je suis, etc.
96. A L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.
18 mars 1768.
Madame ma sœur,
Je vois que Votre Altesse Royale désapprouve la rigidité de la doctrine de Zénon, et qu'elle y préfère une philosophie plus douce. Vous n'avez, madame, rien à craindre que les stoïciens trouvent de nos jours autant de disciples qu'ils en eurent autrefois; le public est généralement plus porté pour les maximes d'Épicure mal expliquées, et, supposé que les stoïciens m'eussent rangé sous leur loi, je crois que les arts et les sciences n'auraient pas raison de regretter beaucoup la perte d'un dilettante, d'un amateur comme moi. Il est certain que pour qui aurait le bonheur de vivre, madame, dans les endroits que vous habitez, aurait de la peine à convenir qu'il n'y ait pas du bonheur à vous entendre, et du malheur à être privé de votre présence; Caton même avouerait que c'est un mal réel de vivre loin des personnes que la voix publique élève au-dessus des autres. Je ressens cette privation, et je vois que le stoïcisme me serait avantageux pour m'aider à me faire une raison sur ma position actuelle; mais la chair et le sang sont fragiles, et l'homme est plus sensible que raisonnable.a
J'avoue à V. A. R. que j'ai ressenti quelque joie en apprenant
a Voyez ci-dessus, p. 151.