<177>hérétique que vous êtes! Malgré l'hérésie, j'ai le faible de reconnaître en Frédéric le plus sublime talent, joint aux plus rares vertus, et je ne puis refuser le juste tribut dû à de si éminentes qualités, et la haute admiration avec laquelle je ne cesserai d'être, etc.
114. A L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.
25 septembre 1769.
Madame ma sœur,
Votre Altesse Royale ne doit pas s'étonner qu'on fixe le ciel lorsqu'on attend son arrivée; tout ce qui arrive d'heureux aux hommes, nous dit-on, vient de là. Autrefois les déesses descendaient des cieux, les nuages leur servaient de voitures, et l'on peut attribuer à V. A. R. tout ce que les mythologiens avançaient de ces êtres surnaturels. Junon ne gouverna jamais aussi bien l'Empyrée que vous gouverniez la Saxe pendant la minorité de l'Électeur, et Minerve ne fit jamais d'aussi beaux vers que vos opéras, d'aussi belle musique et d'aussi beaux tableaux qu'en fait V. A. R. Mais, à propos de tableaux, voici encore le moment de vous remercier, madame, de ce que vous daignez travailler à la copie d'un original pour lequel j'ai la plus profonde vénération. Reclam m'en a instruit, et j'ai pensé l'embrasser de joie. Enfin, madame, nous vous attendrons, comme vous l'ordonnez, par les sablonnières qui nous entourent, et qui ralentissent un peu la marche des voyageurs. Je regarderai cet heureux jour comme celui qui comblera mes vœux, et j'attends avec empressement le moment de l'accomplissement de vos généreuses promesses. Il m'arrivera, comme à Baucis et Philémon, de voir ma cabane champêtre changée en temple par votre présence. Je posséderai, pour quelque temps, tout ce que l'Allemagne a de plus précieux, dans une grande princesse en qui le génie et les heureux talents surpassent encore l'illustration de sa haute naissance.