<190>d'autant plus alarmé, que tout le monde m'avait assuré qu'elle avait déjà essuyé la cruelle maladie dont elle a été atteinte. Pour ma nièce de Prusse, je la crois enceinte, madame, par vos ordres; c'est votre présence qui a répandu la fécondité sur une maison prête à s'éteindre; vous avez, madame, présidé à un baptême, et vos bénédictions ont, d'un autre côté, fait concevoir. Ne vous étonnez pas si désormais nous vous invoquons comme Lucine, comme la mère de l'abondance et de la réparation du genre humain.
J'ai lu avec plaisir l'ouvrage du pauvre Gellert, que V. A. R. a eu la bonté de m'envoyer. Heureux les philosophes qui peuvent donner de telles leçons aux souverains, et plus heureux les princes qui savent en profiter! Je ne sais, madame, si j'ose vous envoyer un ouvrage sur un sujet à peu près approchant, qui regarde les mœurs,a lu ici, dans notre Académie. Comme il contient quelques idées qui, je crois, n'ont pas encore été développées dans ce sens, je crois peut-être, madame, qu'il pourra vous occuper un moment.
Mais qu'il est triste, après avoir eu le bonheur de vous voir et de vous entendre, de ne pouvoir parler à V. A. R. que par lettres! Je me regarde comme un exilé de votre cour, et j'envie souvent le destin d'une bonne vieille gouvernante et d'une demoiselle de Bünau, qui ont le bonheur de vous approcher. Nous sommes réduits à imiter les Juifs établis hors de la Palestine, qui, ne pouvant aller à Jérusalem, se tournaient vers l'orient, où était leur temple, pour y faire leurs prières. Nous nous tournons vers Dresde, et nous disons du fond de notre cœur : Que bénie soit à jamais cette incomparable électrice! Je ne rapporte à V. A. R. que l'abrégé de notre rituel; elle peut s'en rapporter à des cœurs qui lui sont bien fidèlement dévoués, car je me flatte au moins, madame, pour ce qui me regarde, que vous êtes persuadée de la haute considération et de tous les sentiments avec lesquels je suis, etc.
a Essai sur l'amour-propre envisagé comme principe de morale. Voyez t. IX. p. VI et VII, et p. 99-114.