<231>pas; et je sais distinguer les beaux traits d'un portrait qu'un peintre habile a fait, d'un original maussade qu'il a pris plaisir d'embellir.
V. A. R. peut croire que si la paix dépendait de moi, elle serait faite il y a longtemps. Il pourrait arriver que l'horrible attentat que viennent de commettre les confédérés contre le roi de Pologne pourra contribuer pour beaucoup à l'accélération de cette paix si désirée. Il faut cinq semaines, madame, avant que les nouvelles de Constantinople nous parviennent, et il faut trois semaines pour qu'on les ait en Russie; de sorte que chaque réponse emporte quatre mois. Ce n'est pas le moyen d'aller vite. Cela me rappelle les négociations en cour de Rome, qui ne finissent jamais. Il faut cependant bien que celle-ci se termine une fois. Si V. A. R. veut avoir la bonté d'ajouter à tout ce que j'ai l'honneur de lui dire les prétentions des uns, la roideur des autres, et, des deux côtés, des ressources suffisantes pour continuer encore la guerre quelques campagnes, elle jugera elle-même des difficultés infinies qui empêchent de terminer ces différends; je nettoierais plus vite les étables d'Augias, comme Hercule, que d'accorder des sentiments opposés. V. A. R. sait mieux que je ne puis le lui dire avec quelle opiniâtreté ces gens vêtus de soutanes noires soutiennent leurs opinions; j'ose l'assurer qu'il se trouve en politique des esprits aussi décidés, et peut-être plus résolus encore. Il n'y a que Bellone qui puisse être la médiatrice entre de pareilles prétentions; et tout ce que peuvent faire les bonnes âmes se réduit à éloigner des matières combustibles qui pourraient nourrir cet incendie, et à travailler à l'éteindre autant que leurs moyens le permettent.
Je ne sais, madame, si, après avoir entretenu V. A. R. de matières aussi graves, la chute ne sera pas trop grande, si je lui parle de l'opéra que nous avons eu ici; mais je crois, après tout, que des matières agréables pourront la divertir, au lieu que des matières sérieuses pourraient l'ennuyer. Nous avons cette année, madame, Britannicus et Iphigénie en Tauride. Le Britannicus est pris de Racine; la musique est de Graun, et j'ose croire que c'est un des morceaux où il a le mieux réussi. L'Iphigénie en Tauride est d'après un opéra français; la musique est d'Agricola.