<233>prix, et le peu que je puis faire pour le mériter; et vous me devriez des excuses pour avoir différé de quelques jours de me répondre? Non, sans doute; peut-être en devriez-vous au monde entier sur le temps que vous lui dérobez pour moi, et c'est pour ne pas abuser de ce temps précieux que je m'abstiens de répondre avec la même exactitude à laquelle mon cœur me porterait.
Je partage vivement la satisfaction que la présence de la reine de Suède doit causer à V. M. Digne d'être constamment heureuse, elle a fait une grande perte; c'est à nous autres veuves à en sentir toute l'étendue. Mais encore toutes les veuves n'ont-elles pas le bonheur d'avoir Frédéric pour frère, et de fixer par un mérite éclatant les droits que la nature leur a donnés sur son affection.
Ne me prenez pas pour une mauvaise copie, si vous apprenez, Sire, que je vais, en un mois d'ici, promener ma viduité en Bavière. Il y a longtemps que je désire de revoir mon frère, que je chéris, et qui de tout temps m'a marqué tant d'amitié. Peut-être pousserai-je de là jusqu'en Italie, laquelle, comme V. M. ne l'ignore pas, intéresse depuis longtemps ma curiosité. Nous n'entrons pour rien, nous autres femmes, dans le sort des empires; nous vous laissons le soin de les régler, et nous jouissons du bien que vous leur faites. C'en est un, Sire, et peut-être le seul qu'on puisse leur faire en ce moment, que d'empêcher que l'embrasement de la Pologne ne se communique plus loin. Cet article bien établi, je vis en paix sur tout le reste. La guerre, dit-on, est du droit des gens; mais la funeste aventure du roi de Pologne n'en était pas. L'humanité gémit de tant de scènes d'horreur; portées à leur comble, elles doivent enfin finir. Je le souhaite pour cette pauvre Pologne, et je l'attends, Sire, de vos soins. Je conviens que cet opéra sera bien plus difficile à faire que ceux que V. M. fait exécuter d'après Grauna et Agricola;b mais dans le fond rien ne vous coûte.
Je connais beaucoup la Schmeling; nous nous sommes vues dans l'occasion, c'est-à-dire au clavecin et au théâtre, où je l'ai mise. Elle a une facilité étonnante et une voix admirable; et
a Voyez t. X, p. 198.
b Voyez t. XIV, p. xx, no LV.