<259>nous autres femmes est de vous aimer; mais comme nous sommes poltronnes, tout en vous admirant, nous ne vous aimons jamais plus que lorsque le danger est passé. Ainsi, Sire, reposez-vous à l'ombre de vos lauriers, et faites que les autres se reposent et jouissent, sous vos auspices, à l'ombre d'une douce paix.

La protection que V. M. accorde aux jésuites un peu trop persécutés est fondée sur des motifs si respectables, que, malgré ma vénération pour les arrêts de Rome, et l'estime personnelle que le pape m'a inspirée, je n'oserais la désapprouver. Qui eût dit, Sire, qu'un monarque sectateur de Calvin deviendrait le seul asile de cette société si fière et si triomphante autrefois, et que les princesses catholiques fidèles à cette société devraient s'adresser à vous pour avoir un confesseur de cet ordre? C'est cependant ce qui m'arrivera sans faute, si, après le décès de mon bon père Kreitl, j'ai encore envie d'en avoir un de la même espèce; et je m'en fie bien à votre choix, Sire, que vous m'en fournirez un tel qu'il me faut. Comme je n'ambitionne rien tant que d'être en tout dirigée par son esprit supérieur, je serai aussi charmée d'avoir un directeur de conscience de son choix, assurée que je ne risque en aucune occasion de m'égarer en suivant ce que me dicte l'admiration parfaite et la haute estime avec laquelle je suis, etc.

174. A L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Le 7 novembre 1773.



Madame ma sœur,

Je savais, madame, depuis longtemps que personne n'est prophète dans son pays; j'avais entendu dire, de plus, que, pour gagner le don d'exalter son âme, il fallait avoir mangé du déjeuner d'Ézéchiel, ce que je n'ai point fait. Ainsi, madame, j'ai été le premier à blâmer ma téméraire prophétie, et je rends mille remercîments à V. A. R. de ce qu'elle m'a rayé du nombre des