<399>un grand géomètre, le tout en pure perte, parce que je n'ai pas le don de convaincre.
Mais parlons d'autres choses. Vous me demandez mon sentiment sur votre Histoire des jésuites; je vous avoue qu'il y reste quelque chose à désirer. Je m'attendais à voir en abrégé l'histoire de l'établissement de cet ordre, et surtout les règles de leur institut; je croyais y trouver les progrès que cet ordre a faits dans le monde, la politique qui a présidé à son établissement et à son extinction, les noms des plus célèbres de leur corps, comment la doctrine du régicide a pris naissance chez eux, les meurtres sacrés dont ils ont été les auteurs, leurs querelles avec les jansénistes, leur conduite en Portugal, et enfin ce qui a donné lieu à leur bannissement de France. Le plan que vous vous êtes proposé est différent de celui-ci. Vous avez heurté les jésuites et les jansénistes en même temps;a ils ont crié, et ils ont cru devoir intéresser le trône dans cette querelle. Le ministère peut avoir de l'humeur de ce que vous avez découvert ses vues cachées; car M. de Choiseul, ayant eu la hardiesse d'attaquer les jésuites et de les chasser de France, ne manquera pas de courage, s'il en trouve l'occasion, pour détruire les autres cuculatis; mais peut-être s'en cache-t-il, et ne veut-il pas qu'on avertisse la milice tonsurée de l'étendue de ses vues. Voilà ce que je pense sur toute cette affaire.
Je suis ici aux eaux, à me baigner quatre heures par jour,b et il se peut bien que je raisonne en l'air sur les vues de vos ministres, que je ne connais ni ne veux connaître. Je suis à présent disciple de Thalès et de Buffon : dans le bain je considère l'eau comme le principe de toutes choses; et si l'eau m'a fait mal penser, prenez-vous-en à cet élément. Celle de la Seine est si mauvaise, que vous devriez la prendre en aversion; beaucoup de médecins la croient très-malfaisante pour l'estomac, au lieu que notre eau de Berlin est très-pure et bienfaisante. Je n'en dirai pas davantage, et je me contente, en vous assurant de mon estime, de prier Dieu qu'il vous ait en sa sainte garde.
a Voyez t. XIX, p. 451.
b L. c., p. 447, et ci-dessus, p. 22.