<452>bien d'autres brocards, que vos très-fidèles sujets vous fourniraient pour exercer votre patience. Si vous saviez quel nombre d'écrits infâmes vos chers compatriotes ont publié contre moi pendant la guerre, vous ririez de ce misérable folliculaire. Je n'ai pas daigné lire tous ces ouvrages de la haine et de l'envie de mes ennemis, et je me suis rappelé cette belle ode d'Horace : « Le sage demeure inébranlable aux coups de la fortune. Que le ciel tombe, il ne s'en émeut pas; que la terre se refuse sous ses pieds, il n'en est point troublé; que tous les éléments se confondent, il oppose à tous ces phénomènes un front calme et serein. Fort de sa vertu, rien ne l'altère, rien ne l'agite; il voit du même œil l'infortune et la prospérité; il rit des clameurs du peuple, des impostures de ses envieux, des persécutions de ses ennemis, et, se réfugiant dans lui-même, il retrouve le calme et cette douce sérénité que donnent le mérite et l'innocence. »a
Voilà, mon cher, les conseils qu'un poëte suranné peut donner à un philosophe. Cependant on s'informera touchant vos plaintes, et on tâchera de vous donner satisfaction; c'est le moins que vous deviez attendre de moi. Sur ce, etc.
57. DE D'ALEMBERT.
Paris, 16 juin 1769.
Sire,
Votre Majesté me rassure beaucoup par la dernière lettre dont elle a bien voulu m'honorer, en m'assurant que les coups de poing que se donnent les Russes et les Turcs ne s'étendront pas jusqu'à vos États, ni jusqu'à la France. Je ne sais d'ailleurs ce que V. M. pense de cette savante et glorieuse guerre; il me paraît qu'elle ressemble jusqu'ici à la joute d'Arlequin et de Scapin, qui se menacent avec grand bruit, se donnent quelques coups de bâton, et s'enfuient chacun de leur côté. Ce qu'il y a dans tout
a Traduction libre ou plutôt paraphrase des huit premiers vers de l'ode Justum et tenacem, etc., liv. III, ode 3.