<456>liques et de très-chrétiens monarques, et dans un nuage élevé, saint Ambroise, Luther, avec le patriarche Photius, croyant tous trois avoir la berlue, et ne comprenant rien à cet étrange spectacle. Si ce tableau s'achève, il sera destiné à orner le grand salon des Petites-Maisons de l'Europe.
Mais trêve de plaisanterie. L'édifice de l'Église romaine commence à s'écrouler, il tombe de vétusté. Les besoins des princes qui se sont endettés leur font désirer les richesses que des fraudes pieuses ont accumulées dans les monastères; affamés de ces biens, ils pensent à se les approprier. C'est là toute leur politique. Mais ils ne voient pas qu'en détruisant ces trompettes de la superstition et du fanatisme, ils sapent la base de l'édifice, que l'erreur se dissipera, que le zèle s'attiédira, et que la foi, faute d'être ranimée, s'éteindra. Un moine, méprisable par lui-même, ne peut jouir dans l'État d'autre considération que de celle que lui donne le préjugé de son saint ministère. La superstition le nourrit, la bigoterie l'honore, et le fanatisme le canonise. Toutes les villes les plus remplies de couvents sont celles où il règne le plus de superstition et d'intolérance. Détruisez ces réservoirs de l'erreur, et vous boucherez les sources corrompues qui entretiennent les préjugés, qui accréditent les contes de ma mère l'oie, et qui, dans le besoin, en produisent de nouveaux. Les évêques, la plupart trop méprisés du peuple, n'ont pas assez d'empire sur lui pour exciter fortement ses passions, et les curés, exacts à recueillir leurs dîmes, sont assez tranquilles et bons citoyens d'ailleurs pour ne point troubler l'ordre de la société. Il se trouvera donc que les puissances, fortement affectées de l'accessoire qui irrite leur cupidité, ne savent ni ne sauront où leur démarche les doit conduire; elles pensent agir en politiques, et elles agissent en philosophes. Il faut avouer que Voltaire a beaucoup contribué à leur aplanir ce chemin; il a été le précurseur de cette révolution en y préparant les esprits, en jetant à pleines mains le ridicule sur les cuculatis et sur quelque chose de mieux; il a dégrossi le bloc auquel travaillent ces ministres, et qui deviendra une belle statue d'Uranie, sans qu'ils sachent comment. Après d'aussi belles choses, je suis un peu fâché que ce même Voltaire fasse si platement ses pâques, et donne une farce aussi triviale au public;