<486>c'est là où il fait des vœux à la nature pour que l'enchaînement nécessaire des causes maintienne longtemps votre espèce organisée à l'abri des infirmités, des souffrances et de la dissolution. Sur ce, etc.
76. DE D'ALEMBERT.
Paris, 8 juin 1770.
Sire,
Dans l'état de faiblesse et presque d'imbécillité où il plaît à la nature de me réduire, c'est du moins une consolation pour moi de savoir que V. M. est guérie de ses maux, et qu'elle veut bien prendre quelque part aux miens. L'ouvrage qu'elle m'a fait l'honneur de m'envoyer est un digne et heureux fruit de sa convalescence. Je ne connais point l'Essai sur les préjugés que V. M. a pris la peine de réfuter; je sais pourtant que ce livre s'est montré à Paris, et même qu'il s'y est vendu très-cher. Mais il suffit ici qu'un livre touche à certaines matières, et qu'il attaque bien ou mal certaines gens, pour être recherché avec avidité, et pour être en conséquence hors de prix, par les précautions que prend le gouvernement pour arrêter ces sortes d'ouvrages, précautions qui font souvent à l'auteur plus d'honneur qu'il n'en mérite. Quant à moi, je suis si excédé de livres et de brochures contre ce que Voltaire appelle l'infâme, que depuis longtemps je n'en lis plus, et que je suis quelquefois tenté de dire du titre de philosophe ce que Jacques Rosbif dit de celui de monsieur, dans la comédie du Français à Londres :a « Je ne veux point de ce titre-là; il y a trop de faquins qui le portent. »
La critique que fait V. M. de l'Essai sur les préjugés me donne encore moins d'envie de le lire que les autres rapsodies du même genre. On peut dire de tous nos écrivailleurs contre la supersti-
a Le Français à Londres, comédie de L. de Boissy, scène VIII : « Je m'appelle Jacques Rosbif, et non pas monsieur. Je vous ai dit cent fois, ma mie, que ce nom-là m'affligeait les oreilles; il y a tant de faquins qui le portent .... »