<528>les hommes, les déterminent encore par la raison qu'elles ont plus de pouvoir sur eux que les motifs contraires. Il me semble donc que nous agissons toujours nécessairement, quoique volontairement. C'est très-volontairement que je ne m'empoisonne pas, mais c'est en même temps nécessairement, parce que les raisons qui m'attachent en ce moment à la vie sont plus fortes que celles qui pourraient m'en détacher.
Quant à la question de savoir s'il faut au peuple un autre culte qu'une religion raisonnable, comme je ne puis malheureusement apporter d'exemple du contraire, tandis que V. M. a pour elle toute la surface de notre petit tas de boue, je serais bien tenté de croire qu'elle a raison. Si le traité de Westphalie permettait une quatrième religion dans l'Empire, je prierais V. M. de faire bâtir, à Berlin ou à Potsdam, un temple fort simple où Dieu fût honoré d'une manière digne de lui, où l'on ne prêchât que l'humanité et la justice; et si la foule n'allait pas à ce temple au bout de quelques années (car il faut bien accorder quelques années à la raison pour gagner sa cause), V. M. serait pleinement victorieuse; ce ne serait pas la première fois. Je ne dirai qu'un mot de Louis XIV. Je sens très-bien que V. M. lui est très-obligée de la révocation de l'édit de Nantes; mais, comme avocat de la France, je prie V. M. de convenir que ce beau royaume doit penser différemment d'elle sur ce sujet. Je ne sais si on y traitera les philosophes comme on y a traité les hérétiques; mais je sais que si ce malheur arrivait, les États de V. M. seraient pour eux le plus flatteur et le plus glorieux asile, et ses bontés la plus douce consolation.
Je suis avec le plus profond respect, et une admiration égale à ma vive reconnaissance, etc.
P. S. Permettez-moi, Sire, de joindre ici un ouvrage que V. M. a eu la bonté d'approuver en manuscrit, et auquel j'ai fait quelques additions.