<543>à sa protection, à ses prières; ils le prient de les associer à ses œuvres pies, comme ces Vandales se sont associés aux prières des bons pères jésuites. C'est le moyen de ne pas manquer le paradis; d'un côté un géomètre, de l'autre un jésuite; avec cette escorte, il faut faire chemin, ou l'on n'en fera jamais. Conservez votre bonne humeur, riez de tout avec Démocrite. Vivez surtout, portez-vous bien, et soyez sûr que personne ne s'y intéresse plus que le solitaire vandale de Sans-Souci. Sur ce, etc.
104. DE D'ALEMBERT.
Paris, 17 août 1771.
Sire,
La lettre que Votre Majesté m'a fait l'honneur de m'écrire en réponse à mes doléances sur le triste état des finances françaises m'a rappelé la fable de la fourmi qui, étant bien pourvue de toutes ses provisions, se moque de la pauvre cigale pour n'avoir pas eu la même prévoyance.a Un royaume tel que la France, dites-vous, ne saurait manquer d'argent. Cela se peut; mais en cas que le dieu Plutus n'ait pas tout à fait pris congé de nous, il s'est au moins si bien caché, qu'il serait difficile de déterrer sa retraite; M. l'abbé Terray, notre contrôleur général, fait de son mieux pour la découvrir, sans en pouvoir venir à bout. Je ne sais pas si le père Bouhours a eu raison quand il a prétendu qu'on ne pouvait avoir de l'esprit qu'en France, comme autrefois un fameux maître de danse, nommé Marcel, prétendait qu'il n'y avait que la France où l'on sût danser. Ce serait bien le cas de nous dire, comme la fourmi à la cigale : Eh bien, dansez maintenant; et quant à l'épigramme bonne ou mauvaise du père Bouhours, j'aimerais mieux avec Crispin que nous eussions la philosophie d'avoir de l'esprit en argent. V. M. va peut-être me
a La Cigale et la Fourmi, par La Fontaine.