<592>avant de le publier, s'il eût assez vécu pour faire ce présent aux lettres. Mais V. M. n'a-t-elle pas été charmée de la préface qu'on a mise à la tête de cet ouvrage, et qui me paraît pleine de goût, de philosophie, de sensibilité, et très-bien écrite? Nos prêtres n'en sont pas contents, et c'est pour cette préface un éloge de plus.

V. M. ne veut donc plus de correspondant littéraire? J'avoue que notre littérature est un peu en décadence; nous avons beaucoup de chardons, quelques fleurs bien passagères, et peu de fruits. Cependant ce qui doit nous consoler, c'est qu'il me semble que les autres peuples ne font pas mieux que nous, et que, si nous sommes déchus, nous tenons encore au moins la place la plus distinguée. J'ai peur que nous ne conservions pas même longtemps cet avantage, et que les autres nations, dont nos écrivains ont contribué à former le goût et à augmenter les lumières, ne nous battent bientôt, comme un enfant fait sa nourrice quand elle n'a plus de lait à lui donner. Je gémis dans le silence sur le sort qui menace notre littérature; et ma seule consolation est de savoir qu'il y a encore dans le Nord un héros philosophe qui connaît le prix des lumières, qui aime et protége les lettres, et qui sert tout à la fois de chef et d'exemple à ceux qui les cultivent.

Je suis avec le plus profond respect, etc.

125. A D'ALEMBERT.

28 janvier 1772.a

J'implore, moi, au lieu des dieux auxquels s'adressait Démosthène, les lois du mouvement, ces principes vivifiants de toute la nature, dont vous avez si savamment calculé les effets, pour qu'ils prolongent en vous, autant qu'il est possible, leur


a Le 20 janvier 1773. (Variante de la traduction allemande des Œuvres posthumes.)