<66>juste et si facile. Vous le pouvez, j'en suis certaine, si vous le voulez; daignez le vouloir. Vous serez le pacificateur de l'Europe, le génie bienfaisant. Mais j'ai dit que je quittais la féerie et les fictions; je reviens au sentiment pour vous assurer du sincère attachement avec lequel je suis, etc.
24. A L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.
Potsdam, 18 mai 1764.
Madame ma sœur,
Rien ne saurait m'être plus agréable que de mériter, madame, les suffrages d'une princesse d'un aussi grand mérite et aussi éclairée que V. A. R. Ses sentiments pour la paix sont certainement les mêmes que j'ai eus longtemps. Je regarde, madame, la guerre comme un mal quelquefois nécessaire, lorsque la négociation et les voies de conciliation sont poussées à bout. Mais je suis très-persuadé que, étant même forcé de prendre ce parti violent, ce ne doit être que pour le but de ramener la paix le plus tôt possible. La situation présente de l'Europe ne me paraît annoncer rien d'aussi dangereux. Les affaires en Pologne s'embrouillent, à la vérité, un peu; mais elles sont sujettes à différentes interprétations, que j'abandonne aux politiques plus versés que moi dans ces matières. Les questions que V. A. R. me fait sont un peu embarrassantes. Si l'on avait demandé à un patriarche pourquoi le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob avait rejeté Ésaü dans le ventre de sa mère, et lui avait préféré Jacob, ce patriarche aurait sans doute répondu que ce sont des choix de la Providence, et des marques de sa prédilection, qu'il n'est pas donné aux hommes de pénétrer. J'en dirai à peu près autant de la Pologne. Dieu, qui apparemment ne veut pas que le parti des Czartoryski soit opprimé, inspire à une impératrice de Russie