<70>ment de la reconnaissance à ceux de l'attachement et de la plus haute estime, avec lesquels j'ai l'honneur d'être, etc.
28. A L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.
Potsdam, 8 août 1764.
Madame ma sœur,
Si j'étais théologien, j'aurais une belle occasion d'ennuyer Votre Altesse Royale de tout ce fatras d'absurdités téméraires que des ignorants ont écrit sur la liberté et sur les décrets de la Providence. Pour moi, madame, je n'y trouve que des ténèbres, que ma faible raison ne peut ni pénétrer ni éclaircir. Je penche cependant à croire l'homme libre, et même très-libre, parce que cela est conforme à la petite partie de raison qui m'est tombée en partage. Mais pour les grands souverains, madame, je suis très-persuadé qu'ils agissent souvent par prédilection, et que leur faveur ou leur inimitié n'est qu'un pur effet de leur volonté. L'histoire est pleine de ces sortes d'exemples. Le haut degré de grandeur où ils se trouvent les séduit à agir souvent selon l'exemple du Dieu d'Abraham : témoin les violences et les cruautés que Louis XIV fit commettre dans le Palatinat, témoin l'extrême attachement qu'il avait pour le maréchal de Villeroi, qui lui perdait des batailles, et l'espèce d'aversion qu'il avait contre M. de Villars, qui était le plus ferme soutien de son trône. Mais tous ces petits nuages se dissipent avec le temps. Le monde est une scène mobile, dont le changement paraît la première loi. L'on conte d'un certain cardinal qu'un de ses amis lui disait : Voici le quatrième conclave, monseigneur, où Votre Éminence se trouve, sans avoir été élue pontife. Ah, pardi! lui répliqua l'autre, j'attendrai; je me porte bien, je me ménage, pour voir si à la première occasion tu ne me baiseras pas les pieds; et la chose arriva comme il l'avait prédite. Je vous baiserai les mains et