<78>plus faciles à rendre par des comédiens issus de la lie du peuple que la dramatique et les sottises des grands, qui veulent être représentées avec dignité et une certaine élévation. Il faut que les germes de ces sentiments se trouvent dans l'acteur, ce qui est difficile, vu son extraction; d'où il arrive que, manque d'âme et de noblesse, ils sont ou faibles, ou bien outrés; ce qui révolte également le spectateur. Les seules tragédies supportables que j'aie vu exécuter l'ont été par des personnes de condition. Dernièrement mes neveux et mes nièces ont joué l'Iphigénie de Racine, et je puis dire avec vérité qu'il y avait des morceaux si bien rendus, qu'on ne pouvait retenir ses larmes. Voilà, madame, un des derniers amusements que nous avons eus ce carnaval; pour à présent, tout est fini, et le coin du feu succède à la dissipation du grand monde. Dans quelque situation que je me trouve, dans la solitude, soit dans la cohue, radoteur, ou conservant encore un reste de raison, je n'en serai pas moins avec la plus parfaite estime et la plus haute considération, etc.
36. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.
Dresde, 1er février 1765.
Sire,
Votre Majesté m'a sensiblement affligée; je ne veux m'en plaindre qu'à elle-même. Quoi! Sire, vous qui êtes si fort au-dessus des vaines formalités, vous rappelez votre ministre pour une difficulté de ce genre! Vous lui ordonnez de partir dans les vingt-quatre heures, et sans prendre congé! Ah! Sire, après tant d'assurances d'amitié et de bonté que vous m'avez données, comment traitez-vous mon fils, ce fils que j'élève pour cultiver avec V. M. le meilleur voisinage, pour rechercher et mériter son amitié? Ce n'est point, Sire, une nouveauté que l'on ait prétendu introduire ici; jamais nos ministres d'État n'ont cédé formellement aux en-