<9>A goûter des plaisirs nouveaux.
Des soucis la troupe cruelle,
La prévoyance et sa séquelle,
Ne vous livrent jamais d'assauts.
Votre cœur ouvert se déploie
Au sein de la société,
Et, sans gêne et sans gravité,
Aux épanchements de la joie
Vous vous livrez en liberté.
Tout semble créé pour vous plaire;
Votre gaîté, que rien n'altère,
Du moindre objet fait son profit.
La vérité, sans contredit,
Souvent dure et toujours sévère,
Ne vaut pas, quoi qu'on nous en dît,
Une jouissance en chimère.
Être heureux, c'est la grande affaire;
Et dans ce séjour imposteur
Où tout est fiction et songe,
Où chacun dans l'erreur se plonge,
Qu'importe donc que le bonheur
Soit en nous l'effet de l'erreur?
Chérissons-en jusqu'au mensonge.
On nous le dit, nous sommes tous,
Les uns moins, les autres plus fous.
Fuyez la folie intraitable,
D'humeur dure et peu sociable,
Et conservez toujours chez vous
La plus vive et la plus aimable;
De tous les agréments pour nous
Elle est la source intarissable.
Pour jouir longtemps de ce bien,
Gardez de n'approfondir rien.
Les objets ne sont que folie;
Effleurez leur superficie.
Vos plaisirs sont comme une fleur;
Cueillez-la d'une main légère;
A sa nuance, à sa couleur,
Au doux parfum de son odeur
S'attache un prix imaginaire.