7. A LA PRINCESSE MARIE-ANTONIE DE SAXE.
Potsdam, 5 septembre 1763.
Madame ma sœur,
Le souvenir de Votre Altesse Royale m'est d'autant plus flatteur, que je regrette infiniment de n'avoir pas été spectateur et auditeur des belles choses que j'ai admirées sans en voir la représentation. Je souhaiterais de pouvoir lui mander d'ici des choses aussi agréables; mais, madame, je suis obligé de vous donner un avis qui pourra être utile, si vous trouvez moyen de faire qu'on le suive. On ouvre mes lettres en Saxe; ceci m'oblige d'envoyer cette lettre par un homme affidé, et, pour qu'il ne donne aucun soupçon, je l'ai chargé de fruits de mon jardin. Vous aurez la bonté de dire que vous m'en aviez demandé à Moritzbourg, lorsque je fus assez heureux de vous y voir. Voici de quoi il s'agit.
Les esprits s'aigrissent à Pétersbourg de l'opiniâtreté qu'on témoigne chez vous à ne pas vouloir reconnaître le duc Biron. Je vous conseille de porter les puissants à cette condescendance, <47>car on s'en trouvera mal, si l'on s'obstine à se roidir. On commence à dire qu'il y a plus d'un million de sujets russes réfugiés en Pologne, que, selon je ne sais quel cartel, cette république devrait rendre. On a donné des ordres à des détachements d'entrer dans ces lieux, et de les ramener de force. En un mot, vous perdrez vos affaires à jamais, si vous ne trouvez pas moyen de faire changer de conduite celui dont on se plaint.
Prenez, madame, ce que je vous dis comme une marque de l'estime et de la considération que j'ai pour vous, et du désir que j'ai de vous obliger; et soyez persuadée que les sentiments que vous inspirez à tous ceux qui ont le bonheur de vous connaître ne s'effaceront point de mon cœur, étant, etc.